Gabon/Naufrage du Esther Miracle: qui est responsable de quoi?

Libreville, (GM)- Englouti au large de Libreville dans la nuit du 08 au 09 mars 2023, le navire Esther Miracle de la société Royal Coast restera assurément dans la mémoire nationale comme emblématique de l’une des pires séquences tragiques de l’histoire du Gabon. Au moment où le bilan de cet accident s’alourdit chaque jour, alors que de nombreuses voix s’élèvent de plus en plus pour désigner à tort ou à raison des coupables et en exiger la démission, un regard beaucoup plus attentif sur le rôle de chaque partie impliquée, de près ou de loin, s’impose et gagnerait en tout cas à être posé.

124 rescapés secourus, 21 personnes décédées et au moins 16 passagers encore introuvables. C’est le bilan officiel, à ce jour, de cette catastrophe maritime et humaine inédite. Si très tôt déjà deux enquêtes parallèles, mais complémentaires, ont été ouvertes depuis le 09 mars dernier pour faire toute la lumière sur ce drame, la mise à l’écart provisoire du directeur général de la Marine marchande, de son adjoint et du délégué provincial de la marine marchande de l’estuaire semble traduire un coup d’accélérateur dans les investigations en cours.

Qui est coupable et qui est responsable ?

Bien que l’opinion nationale soit en attente des conclusions auxquelles aboutira l’information judiciaire ouverte par le procureur de la République, il n’y a néanmoins, et certainement pas, l’ombre d’un seul doute sur la responsabilité première, voire même la culpabilité, de l’entreprise exploitante. Astreinte au respect des dispositions nombreuses et diverses du code de la marine marchande de la CEMAC, ainsi qu’à l’observation du code de la marine marchande du Gabon, ladite société paraissait n’avoir pas été toujours au diapason des standards en la matière.

C’est ici que se révèle la responsabilité de l’administration compétente, en l’occurrence le ministère des Transports, qui est censé veiller à la sécurité des usagers de la mer. Décrié à juste titre ou à tort, le ministre des Transports se trouve voué aux gémonies dans cette affaire. Tel une tête de roi revendiquée par le peuple en furie, celle de Brice Constant Paillat fait l’objet d’appels incessants à la voir tomber par la guillotine émotionnelle d’une opinion publique encore sous le choc. Mais est-il réellement la pièce défaillante à l’origine de ce à quoi la nation entière est confrontée depuis le 09 mars dernier ?

La Direction générale de la Marine marchande est l’autorité publique en charge de la police de la navigation maritime

Délégataire de la gestion du domaine (tout aussi public) maritime et de la police de la navigation sur nos eaux, en tout cas au sens des instruments juridiques cités plus haut, la Direction générale de la Marine marchande, dont les missions et attributions sont clairement précisées dans son décret de naissance et les textes modificatifs subséquents, est en réalité l’organe agissant à titre exclusif pour le compte de l’État dans ce secteur.

Au regard de ce qu’elle seule délivre les certificats et autorisations de sécurité imposés par là une navigation sécurisée, cette direction est l’acteur qui doit, après l’armateur, répondre des éventuels manquements qui auraient contribué partiellement ou entièrement à cet horrible naufrage du 09 mars 2023.

Certes, bien qu’endossant, à son corps défendant mais légitimement, le poids de sa mission tutélaire dans son département ministériel, Brice Paillat dont la signature n’est d’ailleurs nullement requise sur aucun document lié à l’activité maritime, ne saurait objectivement être ici la cible adéquate d’une colère populaire pour autant compréhensible et symptomatique de l’ampleur du scandale.

Hormis l’hypothétique satisfaction psychologique que pourrait procurer son éviction, l’espèce de « fatwa » lancée contre le patron des transports actuel ne peut que dévier de la bonne voie à suivre : faire le ménage et casser un certain nombre de réseaux internes qui font de cette direction générale une simple vache à lait, au détriment de la rigueur et de l’efficacité qui auraient dû être les siennes dans le cadre de l’accomplissement de ses missions.

SR

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