Gabon : Vivien Péa plaide pour un débat public digne et responsable

Libreville, (GM) — Dans une tribune qu’il a publiée ce lundi 30 juin sur sa page Facebook et qui n’a pu laisser notre rédaction indifférente, Vivien Patrice Lloyd Amos Makaga Péa, avocat et ancien acteur politique, tire la sonnette d’alarme sur ce qu’il considère comme une dérive inquiétante dans le débat public au Gabon, où, selon lui, la violence verbale, les attaques personnelles et le mépris prennent désormais le pas sur l’échange d’idées constructif et argumenté.

S’appuyant sur les virulentes réactions qu’a suscitée récemment son analyse juridique portant sur l’article 82 de la Constitution, récemment relayée par un média local, l’auteur déplore un climat où toute pensée critique devient prétexte à déchaîner les passions les plus destructrices. Pour lui, au lieu d’ouvrir la voie à un dialogue contradictoire, rationnel et enrichissant, l’espace public se transforme trop souvent en arène de règlements de comptes, où le fond disparaît derrière le fracas des invectives.

Ce qui choque le plus, affirme Makaga Péa, ce n’est pas tant la violence des commentaires que l’identité de ceux qui les formulent. Les auteurs sont souvent des personnes diplômées, socialement insérées et parfois considérées comme des références intellectuelles. Une situation qui, pour le juriste, révèle un mal plus profond qu’est le déficit de conscience civique et intellectuelle, même chez ceux qui, en apparence, en détiennent les attributs. Car, rappelle-t-il avec, « il ne suffit pas d’avoir fréquenté l’université pour savoir dialoguer, et porter un costume ne confère ni élégance morale, ni élévation intellectuelle. »

Un constat amer

Le constat dressé est en tout cas implacable : nous assisterions à une perte de sens du débat démocratique. La contradiction est vécue comme une agression, non comme une opportunité d’apprentissage. L’insulte s’impose comme une réponse et la haine comme langage. Aux yeux de l’ancien « patron » de l’UJPDG, le public, souvent passif, ne contribue pas à élever le niveau, réduit qu’il est à applaudir le plus bruyant. Il « like » les humiliations, ricane devant la polémique vide, mais garde le silence sur le fond.

Refuser de céder

Face à ce qui peut être assimilé à une régression collective, Makaga Péa refuse de céder. Il oppose à cette dynamique délétère une posture de responsabilité intellectuelle, consistant à continuer de penser avec rigueur, défendre ses idées avec loyauté, s’ouvrir à la critique dès lors qu’elle est objective et respectueuse. Il revendique ainsi le droit–et le devoir–de rester fidèle à une certaine éthique du débat, même lorsque l’espace public semble devenu hostile à toute pensée nuancée. Son appel est clair et peut se résumer ainsi: si nous voulons bâtir une société démocratique, juste et réfléchie, nous devons réapprendre à écouter, à argumenter, à contredire sans haïr. Il nous faut, collectivement, retrouver le sens moral du débat, sans quoi le vacarme aura définitivement remplacé la pensée.

Que retenir ?

Dans un pays en pleine reconstruction démocratique, cette sortie sonne comme un avertissement digne d’intérêt. Il ne s’agit pas seulement de dénoncer un malaise, mais de lancer un appel, afin que la parole publique redevienne un espace d’élévation, et non un terrain de dévastation. Penser est un acte de courage. Débattre dignement est une exigence. À chacun d’y prendre part avec responsabilité.

Paul Nkori

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