Libreville, (GM) — L’annonce officielle de la création du parti du président de la République Brice Clotaire Oligui Nguema constitue un véritable séisme politique au Gabon. Derrière cet événement majeur semble se dessiner une recomposition profonde du paysage partisan de notre pays. Dans cette perspective, une question brûle les lèvres de bon nombre d’observateurs avertis : le Parti démocratique gabonais (PDG), longtemps tout-puissant, vit-il ses ultimes instants comme force dominante ?
D’aucuns parlent d’un nouveau départ en rupture avec l’ancien système, quand d’autres-au contraire-évoquent une sorte de « rupture dans la continuité ». Une chose est certaine : le futur parti présidentiel, dont la dénomination est encore un mystère pour le grand public, est déjà considéré comme un “instrument politique incarnant une volonté claire de tourner la page de l’ère Bongo ». De plus, il symbolise aux yeux de ses initiateurs la volonté d’entrer dans la Ve République selon la dynamique de refondation politique et morale impulsée par le chef de l’État. Prolongement logique du discours de rupture prôné depuis le coup d’État du 30 août 2023 par ce dernier, cette création politique matérialise le souci qu’à le numéro un gabonais de se doter d’un levier politique autonome, débarrassé du lourd héritage du PDG, avec lequel il partage pourtant une certaine accointance historique.
Le PDG : une machine affaiblie, en perte de repères
Créé le 12 mars 1968, le Parti démocratique gabonais a régné sans partage sur la scène politique nationale pendant des décennies. Toutefois, la chute du régime d’Ali Bongo a révélé une usure, une grande désaffection populaire et une perte d’influence sur ses troupes et l’opinion. Depuis août 2023, le PDG tente tant bien que mal de conserver sa structure et son ancrage territorial, mais il semble tiraillé entre attentisme, refus du déclin et incapacité à se réinventer.
Dans ce contexte, le lancement du nouveau parti présidentiel pourrait bien sonner le glas de la centralité politique du PDG. Déjà, plusieurs cadres de l’ancien parti unique semblent avoir déjà migré vers la nouvelle formation, dominés par un réflexe d’alignement au pouvoir ou pour se mettre à la disposition totale du président Oligui Nguema, comme dans une forme de transhumance politicienne dont la scène politique est coutumière ici ou ailleurs.
Chant du cygne ou repositionnement stratégique ?
Face à cette situation, deux scénarios alternatifs se dessinent :
– Celui du chant du cygne : le PDG, marginalisé, sans incarnation forte ni ligne rénovée, s’éteint progressivement, absorbé par les dynamiques du nouveau pouvoir. Ce serait là la fin symbolique de l’un des plus anciens partis dominants d’Afrique centrale, voire de tout le continent.
– Le scénario du sursaut : dans une démarche d’opposition responsable ou de reconstruction idéologique, le PDG pourrait tenter de se repositionner comme une force alternative. Mais cela supposerait un profond renouvellement de ses élites, un mea culpa politique sincère et audible, et une rupture claire et réaffirmée avec son passé.
Vers une nouvelle géographie politique
Avec la naissance du parti d’Oligui Nguema, le centre de gravité politique gabonais se déplace. Il ne s’agit pas simplement d’un changement de sigle ou de structure : c’est une recomposition de l’espace politique, avec l’émergence d’un nouvel imaginaire collectif, où le passé hégémonique du PDG semble de moins en moins compatible avec les attentes d’une population avide de changement et d’essor vers la félicité.
Une métamorphose à haut risque… et à grande vitesse
La création de ce nouveau parti pose une question plus large : va-t-il incarner un pluralisme réel ou une nouvelle forme de centralisme sous un autre nom ? L’avenir dira si la promesse de refondation politique se traduira par un renouveau démocratique, ou simplement par un recyclage de l’ancien sous une nouvelle bannière. En attendant, le PDG, jadis intouchable, semble désormais à la croisée des chemins. Et pour beaucoup, le chant du cygne a peut-être déjà commencé à résonner. On attend voir…
Simplice Rabaguino