Gabon/André Raponda Walker : Bref regard sur l’œuvre monumentale d’un prêtre hors du commun

Libreville, (GM) — Figure tutélaire de la culture gabonaise, pionnier de l’ethnologie et ardent défenseur des traditions orales de notre pays, l’abbé André Raponda Walker (1871-1968) reste aujourd’hui une référence incontournable pour quiconque s’intéresse à l’histoire, aux croyances et à la sagesse des peuples du Gabon. Prêtre, linguiste, anthropologue et écrivain, il a consacré sa vie à recueillir, étudier et préserver les savoirs ancestraux. Retour rapide sur le parcours et l’héritage exceptionnel d’un homme de foi au service de la mémoire collective.

Né à Libreville le 19 juin 1871 d’un père anglais, Bruce Napoléon Walker, et d’une mère Mpongwè, Agnorogoulè surnommée « Ikoutou » (une princesse du clan des Agoulamba), André Gervais Raponda Bruce Walker, de son nom intégral, est le premier prêtre catholique gabonais, ordonné par Mgr Adam le 23 juillet 1899 à l’ancienne paroisse Saint Pierre de Libreville. Il est aussi l’un des premiers Africains subsahariens à avoir suivi une formation théologique complète dans une mission européenne. Bien que pétri des valeurs chrétiennes et de la foi catholique, Napoléon Walker il manifeste très tôt un intérêt marqué pour les langues, la culture et les traditions de son pays. Cette passion sera le fil conducteur de toute sa vie.

Un savant enraciné dans la tradition gabonaise

Homme d’Église, il n’a jamais tourné le dos à ses racines culturelles. Bien au contraire, il a œuvré pour la reconnaissance et la transmission du patrimoine oral, convaincu que foi chrétienne et culture africaine n’étaient pas incompatibles. Raponda Walker s’est notamment distingué par son immense travail de collecte et de traduction des contes, proverbes, chants, mythes, et croyances traditionnelles gabonaises. Il maîtrisait plusieurs langues locales (mpongwè, fang, punu, etc.) qu’il étudiait et enseignait avec rigueur. Il est ainsi à l’origine de nombreux écrits de référence, dont certains ont traversé les décennies.

Une œuvre littéraire et scientifique monumentale

L’un de ses ouvrages les plus célèbres demeure Récits et Contes du Gabon, publié pour la première fois en 1967, véritable trésor de l’oralité africaine. Il est également l’auteur de :

– Langues et dialectes du Gabon ;

– Croyances et religions des peuples du Gabon, coécrit avec Henri Trilles, qui explore la richesse spirituelle précoloniale du pays.

– plusieurs dictionnaires bilingues, dont les Dictionnaires Mpongwè-français et Français-Mpongwè, qui ont permis la sauvegarde de langues en danger.

À la lumière de cette immense œuvre, son travail, tant anthropologique que linguistique, a inspiré des générations de chercheurs africains et européens.

Un héritage toujours vivant

L’héritage de Raponda Walker dépasse les frontières du Gabon. Son nom est aujourd’hui porté par une maison d’édition (les éditions Raponda-Walker, à Libreville), un prix littéraire, un établissement scolaire à Port-Gentil, et de nombreuses institutions culturelles. En 1983, l’UNESCO a même reconnu l’importance de ses travaux pour le dialogue interculturel et la préservation du patrimoine immatériel.

En dépit du temps qui passe et au-delà de son décès survenu le 11 décembre 1968 à l’âge très honorable de 97 ans, ses écrits restent d’actualité, tant pour leur profondeur que pour leur valeur historique et éducative. À l’heure où les traditions africaines sont menacées par l’uniformisation culturelle, le message de Raponda Walker résonne comme une invite vitale à la redécouverte de nos racines.

Un pont entre deux mondes

André Raponda Walker a incarné, tout au long de sa vie, le lien vivant entre tradition et modernité, entre Afrique et Occident, entre foi chrétienne et spiritualités ancestrales. Son parcours est celui d’un homme de Dieu profondément attaché à sa culture, d’un savant visionnaire et d’un bâtisseur de mémoire. À travers ses œuvres, il continue d’inspirer le Gabon, l’Afrique, et tous les peuples en quête d’identité et de transmission. Il demeure à travers ses œuvres un véritable monument vivant et vibrant de la pensée africaine car, comme il aimait si bien le dire « La sagesse ne meurt jamais tant que quelqu’un la raconte. » !

Par Simplice Rabaguino

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