Libreville, (GM) — Devant le refus assumé du candidat arrivé deuxième à l’élection présidentielle du 12 avril 2025 de soumettre ses comptes de campagne à son contrôle, la Cour des comptes vient de publier un communiqué de recadrage ce lundi 30 juin dans les colonnes du quotidien L’Union.
Dans cette communication signée de son Premier président, Alain-Christian Iyangui, la Haute juridiction financière rappelle les obligations légales qui incombent aux candidats aux élections politiques, en particulier en matière de dépôt des comptes de campagne. Cette intervention paraît faire suite à la récente déclaration fracassante d’Alain Claude Bilie-By-Nze, à travers laquelle il exprime son rejet catégorique de l’examen de ses comptes de campagne par cette institution.
Un rappel pour le moins vigoureux
Sans ambages, la Cour des comptes réitère les dispositions du Code électoral en vigueur depuis janvier 2025. En effet, s’appuyant sur l’article 368 de la Loi Organique n°001/2025, Alain Christian Iyangui indique que l’instance qu’il dirige et ses démembrements provinciaux sont bel et bien compétents pour juger de la régularité et de la sincérité des comptes de campagne de tout candidat aux différentes élections politiques, qu’ils soient financés par des fonds publics ou privés. Le Premier président de la Cour souligne que cette prérogative vise avant tout à garantir la moralisation de la vie publique, le respect du plafonnement des dépenses, la prévention du blanchiment de capitaux, ainsi que la lutte contre la corruption et les financements illicites.
Le dépôt des comptes : une obligation légale
Poursuivant son propos, la Cour insiste sur l’obligation « absolue », imposée par l’article 109 du Code électoral et le décret n°0111/PR/MIS du 14 février 2025, pour chaque candidat de produire un compte de campagne après le scrutin, y compris en l’absence de financement public. Ce compte permet à la juridiction financière de vérifier l’origine des fonds et prévenir les financements étrangers illégaux ; d’évaluer la sincérité des dépenses engagées d’assurer le respect des plafonds autorisés et de prévenir toute forme de corruption ou de conflit d’intérêt.

Sanctions encourues en cas de refus
Sur le plan répressif, la Cour liste les sanctions encourues par tout candidat qui refuse de se soumettre à ces exigences, à savoir :
– Une amende de 50.000 à 500.000 FCFA par mois pour dépôt tardif des comptes ;
– Une pénalité de 20.000 FCFA par mois et par injonction non respectée ;
– Une amende allant de 500.000 à 2.500.000 FCFA pour entrave à l’action de la Cour des comptes, sans préjudice de poursuites pénales.
Pire, la Cour dit se réserver le droit de proposer aux juridictions compétentes l’inéligibilité du candidat fautif pour une période de 5 à 10 ans, en application des articles 141 de la Loi n°11/94 et 371 du nouveau Code électoral.
Une réponse claire et un avertissement ferme aux candidats
Sans jamais le nommer directement, le communiqué apparaît clairement comme une réponse directe au dernier Premier ministre d’Ali Bongo, qui avait publiquement contesté la légitimité de la Cour à examiner ses comptes, arguant du caractère privé de ses ressources électorales. S’agissant de la dimension préventive de cette sortie, la Haute juridiction financière semble réitérer ici son engagement à protéger l’État de droit, en rappelant que nul n’est au-dessus des lois, surtout en matière de transparence et de probité publique.
Quoi qu’on puisse en penser par ailleurs, ce recadrage ouvre potentiellement la voie à une possible confrontation judiciaire entre ce leader politique et les juges financiers, notamment dans l’hypothèse qu’il maintienne son refus. Dans un contexte de réforme institutionnelle et de restauration de l’autorité publique sous la Cinquième République, cette affaire pourrait faire date et marquer un tournant historique au Gabon.
SR