Plainte d’Ali Bongo à Paris : vaine gesticulation ou amorce d’une vraie riposte ?

Libreville, (GM) — En rapport avec une plainte déposée en mai 2024 en France par les avocats d’Ali Bongo, en son nom et celui de sa famille, deux magistrats viennent d’auditionner à Paris le président gabonais déchu, son épouse Sylvia et leur fils Noureddin. Cette saisine, dont la cible est le pouvoir de Libreville, à la tête duquel se trouve Brice Clotaire Oligui Nguema, porte sur des faits supposés de séquestration, actes de torture et traitements inhumains, datés de la période de transition. Cette initiative soulève une interrogation : s’agit-il d’un baroud d’honneur d’un ancien pouvoir discrédité ayant encore en travers de la gorge sa déconvenue ultime du 30 août 2023, ou plutôt d’une manœuvre inaugurale d’une riposte élaborée et au long cours contre le régime en place ?

Retour sur un après 30 août difficile pour Ali Bongo et famille

Pour mémoire, aux premières heures du 30 août 2023, l’armée gabonaise mettait fin au règne d’Ali Bongo suite à des élections contreversées. Dès lors, le président renversé a été maintenu à Libreville dans sa résidence privée de la Sablière. Malgré les images officielles diffusées pour rassurer l’opinion sur son sort, le doute a persisté chez certains sur le traitement qui lui a été réservé durant les premiers jours après le coup d’État, voire au-delà. Outre la situation personnelle de l’ancien chef de l’État, plusieurs de ses collaborateurs et membres de sa famille, notamment son épouse et leur fils Noureddin Bongo Valentin, ont été interpellés et incarcérés. Nonobstant leur récente mise en liberté provisoire, des enquêtes diligentées à leur sujet sont toujours en cours pour détournement de fonds publics, corruption et blanchiment de capitaux.

Un front judiciaire à Paris : symbole ou stratégie ?

Le choix de Paris n’est, de toute évidence, pas anodin. La France, ancienne puissance coloniale, demeure un acteur clé pour nombre de dirigeants africains. La plainte s’appuie probablement sur la compétence universelle de la justice française quant à l’instruction judiciaire portant sur certains crimes graves, en l’occurrence lorsque les supposées victimes sont binationales tel que c’est le cas de certains membres de la famille Bongo.

Pour autant, cette opération a-t-elle une réelle chance d’aboutir ? Au plan juridique, le chemin paraît en tout cas étroit. Et pour cause, les plaignants doivent démontrer non seulement la véracité des faits allégués, mais aussi la responsabilité directe ou indirecte des nouvelles autorités, notamment du président Oligui Nguema. Ce qui est tout sauf une sinécure.

Vaine gesticulation ?

Certains analystes y voient par contre une tentative désespérée d’Ali Bongo de reprendre en main et à son avantage le récit politique national. Depuis son départ du pouvoir, il est resté en retrait, contrairement à d’autres membres de sa famille, plus actifs en coulisses. Cette plainte pourrait alors être perçue comme une manœuvre médiatique de sa part visant à lui redonner un semblant de légitimité à l’international, à défaut pour lui de disposer d’un véritable levier national.

Il est aussi possible qu’Ali Bongo, conscient que son retour en politique est peu probable au Gabon, cherche à internationaliser le débat sur sa situation pour mettre en difficulté le régime en place. Ainsi, l’objectif ne serait pas tant de reconquérir le « trône » perdu que de peser à nouveau sur la scène internationale et régionale.

Un signal envoyé à Oligui Nguema en personne ?

Si cette procédure reste pour l’heure un acte peu considéré dans l’opinion nationale, elle pourrait néanmoins, sait-on jamais, constituer le prélude à une série de démarches similaires, venues d’anciens acteurs ou proches du régime passé ou d’alliés en exil. Dans ce contexte, une telle plainte pourrait nuire à l’image du régime de la Vème République naissante, ou à certains partenariats internationaux auxquels notre pays est partie prenante.

En définitive, du moins au stade actuel, la plainte d’Ali Bongo pourrait paraître dérisoire face à l’ancrage croissant du pouvoir d’Oligui Nguema, aujourd’hui de plus en plus solidement installé. Mais dans la durée et ajoutée à d’autres actions hostiles de même nature, elle pourrait induire le risque d’une érosion lancinante de la bonne image des autorités gabonaises à l’international. Plus qu’un simple acte de défense personnelle ou familiale, cette démarche judiciaire pourrait bien être un signal d’alerte : la longue parenthèse Bongo n’est peut-être pas encore tout à fait refermée !

Par Simplice Rabaguino

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